Vers la mort de la première maison de la culture de Malraux ?

par ISABELLE ROYER., Présidente de l’association Maison de la Culture du Havre
L‘ensemble d’Oscar Niemeyer, au Havre, bientôt démantelé
Le maire du Havre, profitant de l’occasion de nécessaires travaux de réhabilitation des bâtiments (un théâtre de 1 100 places, le "Grand Volcan" ; une salle de spectacles modulable, le "Petit Volcan" et un cinéma de 300 places, "L’Eden"), a décidé, sans aucune concertation, des changements profonds qui peuvent ruiner des décennies d’efforts en faveur de la diffusion et de la création d’une culture authentique et vivante.
Malgré les alertes des représentants du public au conseil d’administration, où siègent aussi la Ville du Havre et l’Etat, le maire a laissé se dégrader l’ensemble des bâtiments dus à Oscar Niemeyer, bâtiments dont la Ville est pourtant propriétaire.
Les adhérents de l’association Maison de la Culture du Havre s’inquiètent de trois transformations majeures que le maire entend imposer avec le soutien de l’Etat :
– La suppression d’ une magnifique salle de cinéma, l’Eden, (classée Recherche et Découverte, Jeune Public et, seule en Haute-Normandie, Europa Cinémas ), une salle au rayonnement national, dans une maison inaugurée jadis par le "Napoléon" d’Abel Gance et qu’a dirigée Raoul Ruiz
– La transformation du Petit Volcan en médiathèque municipale, disloquant ainsi un ensemble homogène, en renonçant à une belle salle de théâtre modulable. Les projets de médiathèque seraient séduisants s’ils n’étaient sans rapport avec les ambitions et le rayonnement artistiques du Volcan, traduisant bien plutôt une volonté de mainmise de la Ville sur un établissement prestigieux et indépendant..
– L’éviction de notre association de la gestion de la scène nationale, alors qu’elle n’a pas failli, en créant avec le soutien de l’Etat, sans concertation avec les différents partenaires déjà présents dans l’association, un Etablissement Public de Coopération Culturelle. On abandonne ainsi un outil de démocratisation culturelle qui a fait la force de la Maison de la Culture du Havre : la présence de représentants librement élus par le public au conseil d’administration.
Pourquoi la ville du Havre, où le Volcan est depuis longtemps un haut lieu de la création artistique, serait-elle privée soudain d’un spectaculaire pôle culturel au rayonnement national et international ?
La mémoire des Havrais est riche de souvenirs magiques de spectacles, de concerts et de films au Volcan, de rencontres, de conférences.
De nombreux jeunes et leurs professeurs ont enrichi leur sensibilité, aiguisé leur esprit critique dans ces lieux.
Pourquoi liquider l’héritage d’André Malraux, pourquoi renoncer à l’ambition de partage de la culture la plus exigeante, pourquoi reconvertir un théâtre prestigieux et détruire un des meilleurs cinémas français ? Et à grands frais !